Suède 2025page 1/2

du 10 au 20 juillet 2025

Lac Geavhta vers Tärnaby

La Suède s'étend sur plus de 1 570 km du nord au sud et atteint 499 km dans sa plus grande largeur. Ce vaste territoire est principalement couvert de forêts, qui représentent environ 70% de sa surface, tandis que 15 % sont constitués de zones humides, incluant lacs, tourbières et marais. Le climat suédois se divise en deux zones distinctes : une zone boréale couvrant les deux tiers nord du pays, au-delà du 60e parallèle, et une zone continentale s'étendant sur le reste du territoire.

A l'exception de quelques espèces, la majorité des orchidées que l'on peut observer en Suède sont également présentes ailleurs en Europe. Ce sont pour la plupart des espèces adaptées à des conditions nordiques et que l'on retrouve dans les régions alpines. Les zones les plus riches coïncident presque toujours avec la présence de sols calcaires. Parmi les régions d'importance particulière, on compte les îles d'Öland et Gotland, le sud de la province de Scanie, la zone centre-sud entre les lacs Vättern et Vännern, la région au nord et autour de Stockholm, la région centrale autour du lac Siljan, la zone subalpine et boréale du nord-ouest de la Suède incluant principalement la province de Jämtland, l'ouest des Västerbotten et le parc d'Abisko tout au nord.

Au mois de juillet, l'emblématique Calypso bulbosa a déjà fané, tout comme la plupart des plantes que l'on peut observer dans le sud du pays. L'intérêt principal de ce voyage résidait dans l'observation de deux nigritelles endémiques de ces régions nordiques, Gymnadenia nigra et Gymnadenia runei, et dans la contemplation des paysages typiques de la Scandinavie.

Carte de situation avec les principales régions visitées

Notre itinéraire nous a conduit de Stockholm à Sundsvall, en passant par la région de Gävle, puis vers Östersund et Hemavan, tout proche de la frontière norvégienne. Nous avons ensuite rejoint la côte est (golfe de Botnie) avant de revenir à Stockholm. Au total, ce sont environ 3000 kilomètres de parcours, riches en paysages magnifiques au cœur d'une nature sauvage et sous un soleil omniprésent.

Le comté de Jämtland et Gymnadenia nigra

Le pays compte un grand nombre d'aires protégées (31 parcs nationaux et plus de 1100 réserves naturelles), dont beaucoup sont liées à la présence d'orchidées. De nombreuses zones sont également protégées par d'autres programmes de protection de la nature, comme le programme Natura 2000 financé par l'UE.

La réserve de Nästmyren, située près de Östersund, est un exemple de gestion qui permet de sauvegarder la nigritelle noire (Gymnadenia nigra, Brunkulla en suédois) devenue extrêmement rare en Suède et en Norvège. Le site est géré par une association qui entretient une prairie de fauche où poussent jusqu'à 1000 plantes les bonnes années. Il s'agit de la plus grande population de G. nigra du Jämtland, et probablement de toute la Scandinavie.

Réserve de Nästmyren

La station est facile à trouver avec un petit parking dédié, des panneaux d'information, un boardwalk et même une sorte de présentoir en bois où sont affichées diverses informations dont les comptages des années précédentes (moins de 200 pieds en 2024). Le site permet d'observer d'autres espèces comme Dactylorhiza maculata, Gymnadenia conopsea et Listera ovata, Gentianella campestris, Gentianella amarella, Taraxacum crocodes, Pilosella aurantiaca, Briza media, Botrychium lunaria, Aconitum lycoctonum.

Plantes des prairies et des jardins dans le comté de Jämtland

Lors de notre visite le 11 juillet, la plupart des nigritelles situées sur la station étaient fanées, le pic de floraison pour cette espèce se situant vers fin juin. Nous en trouvons toutefois quelques-unes encore fraiches dans les zones les plus ombragées de la parcelle.

Gymnadenia nigra

Gymnadenia nigra est endémique de Scandinavie. Elle est principalement répartie dans le centre du Jämtland et y pousse sur des sites adaptés. Elle est également présente dans des milieux naturellement ouverts, dans les montagnes du Härjedalen et de l'ouest du Jämtland, jusqu'à 800–900 m d'altitude.
L'espèce est connue depuis le XVIIIe siècle et est devenue l'emblème de la région au début du XXe siècle. A cette époque, elle était assez commune dans les prairies de fauche à tel point que les écoliers cueillaient et vendaient sa fleur. Au tournant du XXIème siècle, et surtout depuis les années 1950, le nombre de sites a considérablement diminué avec l'évolution des pratiques agricoles. La disparition progressive du pâturage et du fauchage, ainsi que le reboisement au profit de l'industrie forestière ont provoqué la fermeture des milieux, entrainant la raréfaction de l'espèce.

Un inventaire réalisé en 1975 a constaté une diminution de moitié du nombre de sites depuis les années 1960. Des efforts ont été déployés pour sauver l'espèce, ce qui a ralenti la tendance, mais le déclin s'est poursuivi. À la fin des années 1970, l'« Aktion brunkulla » a été lancée à l'initiative de l'Association de conservation de la nature de Jämtland-Härjedalen et avec le soutien, entre autres, du WWF. L'action comprenait l'identification des sites restants, des contacts et une information auprès des propriétaires et des utilisateurs, des actions de sensibilisation, des recherches scientifiques, des essais de gestion, des tentatives de culture à partir de graines, etc. Deux projets financés par l'UE, axés sur la restauration et le rétablissement des prairies, ont concerné une quinzaine de sites de G. nigra entre 2003 et 2014. En 2013, l'Agence suédoise de protection de l'environnement a mis en place un programme d'action pour cette espèce, dont la préfecture de Jämtland est chargée de la mise en œuvre en collaboration avec les autres acteurs concernés.

On compte aujourd'hui environ 2 000 individus en fleurs en Suède. La plupart des sites comptent moins de 25 spécimens en fleurs et environ 13 sites en comptent plus de 50. [Ref. : artfakta.se].

Le massif de l'Artfjället et Gymnadenia runei

Sur les pentes du Rödingsnäset (massif de l'Artfjället)

Nous quittons les prairies du Jämtland pour rejoindre la petite ville d'Hemavan dans le comté de Västerbotten. Nous sommes ici dans l'ancienne province de Laponie, sur un territoire montagneux à quelques kilomètres de la frontière norvégienne.

La végétation dans les vallées est fortement dominée par les forêts de conifères et de bouleaux. Au-delà de 700 m d'altitude, elle laisse la place à une végétation de toundra composée de mousses, de lichens, de quelques arbres nains (saules, bouleaux), couvrant de vastes étendues.

Forêt de bouleaux vers Hemavan

Lichens (Skorvfjället)

Le massif de l'Artfjället, à l'ouest d'Hemavan, constitue un des plus beaux sites du pays pour la botanique de montagne. La lande subarctique de Fjällsippe, riche en calcaire, abrite quelques orchidées dont la fameuse Gymnadenia runei.

Pendant de nombreuses années, le professeur Olof Rune, qui rendait visite à la station de Rödingsnäset, pensait que la fleur qu'il avait découverte en 1960 était Nigritella nigra. Il avait cependant des doutes, car il savait que l'orchidée ne poussait que dans quelques régions du comté de Jämtland et que sa variété était légèrement différente. En 1987, la plante a été officiellement identifiée comme une nouvelle espèce distincte - un croisement entre Nigritella nigra et Gymnadenia conopsea. La nouvelle fleur a reçu le nom latin Gymnigritella runei et le nom suédois de Brudkulla (une combinaison des deux orchidées impliquées dans le croisement, Brunkulla et Brudsporre). Elle fut enfin décrite sous le binôme Gymnadenia runei en 1989 par H. Teppner & E. Klein.

Cette plante est donc unique et très localisée. Ses effectifs, bien que réduits à quelques milliers d'individus, sont stables et l'espèce ne semble pas menacée (UICN catégorie NT).

Rivière Ruttjebäcken

Le 13 juillet, nous entamons la randonnée qui nous permet de rejoindre son "locus classicus" sur le mont Rödingsnäset. Le sentier qui longe la rivière est agréable malgré la présence de moustiques et de taons. Les secteurs les plus humides abritent de nombreux Dactylorhiza dont la classification n'est pas toujours évidente. Nous observons le plus souvent des plantes de type Dactylorhiza maculata avec des fleurs relativement grandes, et dont le lobe central du labelle prend la forme de soc, des feuilles fortement maculées à la base d'une longue tige parfois teintée de violet. Cette description semble correspondre à la variété kolaensis (Montell), un taxon décrit de ces régions boréales.

Dactylorhiza maculata (s.l)

D'autres plantes remarquables peuvent être observées le long de ce sentier, telles que Listera ovata, Trollius europaeus, Pedicularis sceptrum-carolinum, Pedicularis lapponica, Andromeda polifolia, Astragalus norvegicus, Aconitum septentrionale, Dryas octopetala, Pinguicula vulgaris, Drosera sp.
Nous montons ensuite à travers la forêt de bouleaux, parmi des peuplements denses de cornouiller de Suède (Cornus suecica).

Forêt de bouleaux tapissée de cornouillers (Artfjället)

Cornus suecica

Listera ovata

La fin de la forêt de bouleaux et les premiers névés

Paysage du Rödingsnäset. En arrière-plan, le sommet norvégien de Olfjellet (1368 m)

Après une heure de marche, nous atteignons la lande et les premiers névés. Il reste encore quelques centaines de mètres à gravir avant d'apercevoir nos premiers pieds de Gymnadenia runei, bien visibles avec leur inflorescence rouge vif qui émerge des pelouses alpines. La couleur et la forme des fleurs font immédiatement penser à un hybride avec G. conopsea. Nous en verrons une cinquantaine d'exemplaires en fleur et de nombreux autres encore en bouton.

Gymnadenia runei

Les autres espèces observées sont Coeloglossum viride, Gymnadenia conopsea et Pseudorchis albida subsp. straminea. Cette sous-espèce se caractérise par des feuilles et des fleurs plus larges que l'espèce nominale. Ses fleurs présentent une coloration jaune paille.

Pseudorchis straminea

Coeloglossum viride

La lande abrite aussi quelques oiseaux dont le pluvier doré et le lagopède alpin qui excelle dans l'art du camouflage. Nous aurons le loisir de les observer mais pas de les photographier.

D'autres randonnées les jours suivants nous permettront de voir d'autres espèces d'orchidées, notamment Dact. incarnata et Dact. lapponica que l'on a observé en bordure du sentier "Jofjället" qui mène au Skorvfjället. Une visite au jardin botanique d'Hemavan nous a permis de voir Cypripedium calceolus

Dactylorhiza lapponica, Jardin botanique de Hemavan, Cipripedium calceolus

Avec ses reliefs modérés la région se prête bien à la randonnée. Les pentes douces permettent d'accéder à des points de vue sur les sommets voisins ou sur les nombreux lacs qui occupent les fonds de vallée vers Tärnaby ou Hemavan.

Hemavan depuis le Skorvfjället

Paysages vers Tärnaby

La présence de rennes se déplaçant librement sur ces terres rajoute à la quiétude des lieux. On peut les croiser y compris dans les zones habitées.

Rennes vers Tärnaby

La nuit lumineuse des étés scandinaves - lac Geavhta à 1h du matin

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